Pourquoi je me suis abstenue lors du vote de ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (CETA)

Depuis que j’ai eu l’honneur d’être élue députée de la nation grâce à la confiance que m’ont accordée les habitants de ma circonscription, j’essaie autant que possible d’appréhender correctement les nombreux textes de loi qui nous sont soumis avant de faire le choix de les approuver… ou de les rejeter.

Compte tenu du nombre très important de ces textes, de leur densité et de leur complexité, il arrive fréquemment que nous n’ayons pas le temps matériel d’en saisir chaque détail ou chaque nuance : nous nous appuyons alors sur l’avis exprimé par la commission qui l’a analysé et sur les débats auxquels nous participons dans l’hémicycle pour forger notre « intime conviction » et prendre part au vote. Chaque député a souvent en effet une meilleure connaissance des textes qu’il a pu travailler dans le cadre de sa propre commission d’appartenance (les affaires sociales en ce qui me concerne) que sur ceux qui ont été approfondis dans le cadre d’autres commissions.

En ce qui concerne l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (CETA), j’ai évidemment suivi avec intérêt les débats dont il a fait l’objet ces dernières semaines en France mais sans pour autant l’aborder dans le cadre plus approfondi des travaux d’une commission.

Je comprends naturellement ceux qui défendent une position consistant à dire qu’un tel accord de libre-échange sera bénéfique pour l’économie française.

Je le comprends tout simplement parce que… c’est effectivement ce que nous constatons déjà depuis 22 mois que ce traité est appliqué de façon provisoire dans notre pays : des exportations en hausse, des investissements canadiens très dynamiques qui ont généré de  nombreuses créations d’emplois en France, un secteur agricole qui a largement bénéficié de la croissance de nos exportations (filière laitière, viticulture, boulangerie…).

Cependant, d’autres voix se sont également élevées pour dire qu’en matière environnementale, alors même que la transition écologique, les questions du climat et de la protection de la biodiversité deviennent des enjeux majeurs de notre siècle, ce traité du CETA serait en quelque sorte « à contretemps » en proposant de développer les échanges commerciaux entre pays distants de plus de 6000 kilomètres ; qu’il n’offrirait en outre pas de garanties suffisantes pour nous protéger d’un certain « moins-disant » en matière de santé, de respect de l’environnement et d’exigences climatiques.

Or en ce qui concerne ce dernier point, les arguments des uns et des autres – partisans et détracteurs du CETA – ont été beaucoup entendus ces dernières semaines : mais ils se sont apparentés à mon sens davantage à l’expression de craintes et, en réponse, à l’affichage de convictions plutôt qu’à un véritable échange basé sur des éléments et rationnels (pas simplement des craintes) et vérifiables (pas simplement des convictions).

Même les travaux de la commission Schubert, des experts indépendants sollicités pour rendre un rapport sur le CETA et sa compatibilité avec les exigences climatiques et environnementales européennes, n’ont pas pu éteindre tous les débats sur ces sujets. Des points de vigilance ont certes été exprimés, des mesures en ont découlé, mais des craintes persistent encore de l’aveu même de certains de ces experts.

Si je vois donc bien aujourd’hui les bénéfices du CETA, je ne suis pas parvenue à établir à ce stade de véritables certitudes, voire une intime conviction sur le bien-fondé ou pas d’un certain nombre de craintes exprimées par les détracteurs du CETA, et notamment : ce traité pourrait-il limiter à l’avenir les ambitions de l’Union européenne en matière de réglementation environnementale plus protectrice ? Des doutes donc et assez peu de certitudes dans un sens ou dans un autre : voilà finalement les raisons qui ont abouti à mon vote d’abstention sur la ratification de ce traité.

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