De la réforme des retraites…

Depuis le mois de septembre 2017, le Haut-commissariat à la réforme des retraites (HCRR) a été chargé d’organiser une concertation avec les principaux acteurs du champ des retraites et de coordonner les travaux de préparation de la réforme des retraites. Après deux années de travail, il remettait le 18 juillet dernier au Premier Ministre un rapport sur les préconisations « Pour un système universel de retraite ».  

 Cette réforme menée par le gouvernement et la majorité, engagement de campagne du Président de la République, est le fruit d’un long travail de réflexion et de concertation avec les partenaires sociaux.

Si je peux comprendre les inquiétudes que suscite une réforme d’une telle ampleur, il est fondamental de recentrer le débat sur l’objectif qui la guide : il s’agit de transformer, de manière progressive, notre système actuel de retraites pour le rendre plus juste, plus simple et surtout plus solide.

Loin de le remettre en cause, cette réforme permet de pérenniser notre système par répartition, système fondé sur la solidarité nationale.

Ce projet ne nie pas non plus les réalités financières auxquelles nous devons faire face, c’est pourquoi il prévoit de mettre fin aux régimes spéciaux et de stabiliser le financement de l’ensemble des retraites. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé laisser une grande part de décision aux partenaires sociaux en ce domaine.

En bref, il ne s’agit pas là d’une énième réforme des retraites mais d’un véritable projet de société qui permettra d’adapter et de consolider notre système de solidarité – auquel je suis fondamentalement attachée – pour lui permettre d’affronter les réalités sociales actuelles et à venir.

Si des voix s’élèvent pour tenter de bloquer cette réforme, elles sont avant tout corporatistes ou politiques.

Corporatistes parce qu’elles défendent le maintien des régimes spéciaux de retraite qui sont arrivés à bout de souffle du fait de leur démographie. Avec 1,1 cotisant pour un retraité (1,7 pour le régime général), ces régimes ont depuis plusieurs dizaines d’années la nécessité d’être financés par l’État et la solidarité nationale.

Politiques, parce que tout projet de transformation de la société porté par la majorité donne aux oppositions une tribune permettant des effets de manche. Nous l’avons vu ces dernières années avec la réforme du Code du travail, la réforme de la formation professionnelle, la réforme de la SNCF, la réforme de la fiscalité, le prélèvement de l’impôt à la source… on voit pourtant déjà aujourd’hui les effets de ces réformes sur le chômage, la formation, le pouvoir d’achat des Français, l’équilibre budgétaire.

Ce projet de loi serait injuste, une manière déguisée d’introduire un système par capitalisation, réalisé dans le but de baisser les pensions ?

Bien au contraire ! C’est le système actuel qui a créé les inégalités, les petites retraites des agriculteurs, des artisans ou des commerçants, de nombre de femmes aux carrières hachées obligées de travailler jusqu’à 67 ans. Et c’est en conservant le système actuel que l’on se verrait obligés de diminuer les pensions, non seulement des futurs retraités, mais également des personnes déjà pensionnées.

Car si, actuellement, les retraités ont, en moyenne, des revenus supérieurs à ceux des actifs (105,6%), le système actuel ne permettra plus de maintenir ce niveau du fait de l’évolution du ratio cotisants/retraités (3,80 cotisants pour un retraité en 1970, 1,7 aujourd’hui, 1,5 en 2040).

Le projet de réforme que nous portons vise à transformer le système actuel en lui ajoutant plus d’équité, de solidarité et de solidité tout en maintenant et en renforçant, nous y sommes attachés, notre système par répartition.

Sur la répartition, le système actuel nous attribue des droits pour chaque trimestre complet travaillé. Dans notre projet, des droits (points) nous sont acquis pour chaque jour travaillé, dès le premier jour travaillé.

Sur l’équité, nous nous sommes engagés à supprimer les régimes spéciaux progressivement afin que ne soient pas pénalisés ceux qui se sont engagés dans une carrière avec la perspective de ses avantages.

Plus de solidarité car, on le voit, le système actuel oublie nombre de catégories, notamment les personnes ayant eu des carrières hachées ou ayant subi un accident de la vie. Les femmes également, qui verront leurs points abondés de 5% dès le premier enfant (points partageables avec le père), permettant ainsi d’effacer l’effet négatif sur leur retraite d’une année de congé parental.

Sur la solidité du système, basée sur l’âge pivot à 64 ans, là où nous partons actuellement en retraite en moyenne à 63 ans et demi, je pense que nous pouvons travailler six mois de plus pour assurer à nos enfants une retraite décente quand on sait que depuis 60 ans nous gagnons 3 mois d’espérance de vie chaque année. Et, oui, si l’on suit cette courbe d’espérance de vie, il faudra peut-être envisager dans vingt ans de repousser cet âge pivot de six mois…

Certes, ce nouveau système de calcul des retraites nécessitera certainement des réglages pour pallier les « effets de bord » qu’il pourrait créer sur certaines catégories, ou pour prendre en compte de nouveaux éléments, de nouveaux modes de vie (je pense notamment au fort développement de l’entrepreneuriat individuel) mais, justement, il offre bien plus de souplesse que le système actuel.

Je regrette que – du fait de l’obstruction faite par certaines oppositions (plus de 40 000 amendements dont la plupart consiste à déplacer une virgule ou à remplacer un mot par un synonyme) – nous n’ayons pu aller au bout des débats en première lecture car mes collègues et moi-même, tout comme certaines oppositions constructives, ainsi que de très nombreux Français et représentants des corps intermédiaires, souhaitons pouvoir débattre sur le fond, apporter des retouches à quelques iniquités que nous avons identifiées, débattre de la pénibilité et trouver le meilleur équilibre puisqu’elle n’est plus là où elle était il y a 60 ans, parler du handicap, de la réversion, de l’engagement citoyen,…

Dans le texte qui a été adopté selon les modalités de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement a déjà intégré nombre des propositions qui avaient été faites sans pouvoir être débattues. J’espère que raison reviendra et que nous pourrons, en deuxième lecture, débattre sur le fond plutôt que sur l’emplacement de certaines virgules.

Et puis, au-delà de cette réforme des retraites, nous devrons penser ensuite aux conditions d’emploi des séniors. Comme le disait il y a quelques jours dans l’hémicycle mon collègue Patrick Mignola « A 55 ans on est au summum de sa compétence professionnelle, mais on n’est plus au summum de sa résistance physique… il faut pouvoir, à un moment, travailler moins pour transmettre plus. »

Et puis, j’y suis attachée, il nous faudra également nous pencher rapidement sur les injustices créées par l’ancien système, notamment pour les retraités actuels les plus démunis.

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