Loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur

Je sais combien ce texte soulève les passions, les attentes, les craintes. Il touche à des sujets profondément ancrés dans notre société : le modèle agricole que nous voulons pour demain, la protection de notre environnement ou encore la défense de notre souveraineté alimentaire. C’est un texte qui interroge nos choix collectifs, nos priorités et nos valeurs. Et il est compréhensible que chacun y projette ses convictions, ses inquiétudes, ses espoirs.

Avec mon groupe, je suis pleinement consciente du rôle essentiel que jouent nos agriculteurs pour nourrir la population, garantir notre souveraineté alimentaire et faire vivre nos territoires. Face aux bouleversements climatiques, économiques et sociaux auxquels ils sont confrontés, il est indispensable de leur apporter des réponses concrètes, équilibrées et durables.

Certains y verront une lecture “pro-agriculteurs”, d’autres une lecture “pro-écologie”. Pourtant, cette opposition, si souvent brandie, ne devrait pas être une fatalité. L’agriculture et l’écologie ne sont pas des camps ennemis. Elles sont les deux piliers d’un avenir commun : celui d’une production nourricière, respectueuse de la planète et de celles et ceux qui y vivent. Il nous faut refuser les postures simplistes, les caricatures, les excès. Ce que nous devons rechercher, c’est une ligne de crête, celle d’un équilibre juste, exigeant et pragmatique.

C’est dans cet esprit que j’ai abordé ce texte. Car il est le fruit d’un travail parlementaire sérieux, ancré dans la réalité du terrain, et nourri d’expertises plurielles. Il ne renonce pas aux enjeux écologiques. Au contraire, il les inscrit dans une dynamique d’accompagnement. Il affirme clairement la nécessité de soutenir les femmes et les hommes qui, chaque jour, travaillent à transformer nos pratiques agricoles. Non par idéologie, mais par exigence. Non par injonction, mais par accompagnement. Il s’agit ici de proposer des solutions concrètes, progressives, scientifiquement encadrées, et réellement applicables.

Un texte profondément rééquilibré par le travail parlementaire

Le 8 juillet dernier, l’Assemblée nationale a adopté cette Loi « Duplomb », du nom du sénateur Les Républicains à son initiative.
Le texte initial présentait de nombreux déséquilibres. Mais grâce au travail constructif des parlementaires, et notamment à l’issue de la Commission Mixte Paritaire (CMP), les dispositions problématiques ont été retirées, corrigées ou strictement encadrées. Ce compromis démontre un travail parlementaire utile, respectueux du débat démocratique et soucieux de servir l’efficacité agricole, la sécurité sanitaire et la transition écologique.

Ne tombons pas dans un débat tronqué

Le débat autour de ce texte a souvent été caricaturé, comme s’il fallait choisir entre agriculture et santé. Ce clivage est faux et dangereux. Il alimente la défiance, oppose les territoires et fragilise les efforts engagés depuis des années pour faire évoluer les pratiques agricoles. Restaurer le lien entre citoyens et agriculteurs est indispensable.
Notre groupe a donc œuvré, article par article, pour qu’au-delà des dérives que ce texte pouvait nourrir de part et d’autre, nous puissions collectivement apporter des réponses utiles à tous les agriculteurs face aux profonds bouleversements climatiques, économiques, sociaux ou sanitaires auxquels ils sont confrontés au quotidien.
Trois principes d’action nous ont ainsi guidés dans ce travail :
– Concilier souveraineté alimentaire et transition agro-écologique, car l’un ne peut certainement pas aller sans l’autre ;
– Agir en faveur de notre agriculture et contre la concurrence déloyale dans le cadre européen du marché commun ;
– Faire confiance à la science et à l’expertise seules pour qu’elles éclairent les décisions publiques.

Ce que contient (et ne contient plus) la version finale

Art.1 : Assouplir la séparation du conseil et de la vente de pesticides et de produits phytosanitaires
– Cet assouplissement prend acte du bilan en demi-teinte de la réforme de 2018, en l’absence du développement d’une filière de conseil à la hauteur des besoins.
– Le texte issu de la CMP ne supprime pas l’interdiction du cumul des activités de conseil et de vente des produits phytopharmaceutiques, mais permettre aux seuls distributeurs, dans le cadre de conditions strictes, de réaliser une activité de conseil stratégique.
– Un conseil stratégique global est par ailleurs créé, incluant un module de conseil stratégique dans le cadre du Certyphyto, obligatoire tous les 5 ans, et dont l’absence est sanctionnée par une amende dont le montant est augmenté.

Art. 2 : introduire une dérogation à l’interdiction de l’acétamipride
– Le texte initial portait la réintroduction générale de l’acétamipride seulement mais sans condition : cette mesure fut refusée lors des débats parlementaires.
– De même, l’ensemble des dispositions visant à amoindrir le rôle de l’ANSES ont été retirées.
– La loi telle que votée, issue de la commission mixte paritaire, porte un régime dérogatoire très strict et exceptionnel pour l’acétamipride uniquement, pour des usages précis, une durée limitée (120 jours par an), et des filières effectivement en situation d’impasses techniques pouvant menacer leur pérennité en France.

– Chaque année, cette dérogation sera accordée sous la condition de travaux de recherche pour identifier des alternatives.
– Il ne s’agit pas de revenir en arrière sur la transition agroécologique, qui se poursuit, mais de répondre à des impasses qui menacent l’existence de certaines filières en France (pomme, noisette) qui ne pourraient bénéficier de molécules autorisées dans tous les autres pays européens.
– La surface agricole utile de la pomme et de la noisette, seules filières qui pourraient être concernées, à ce stade, représente environ 0,15 % de la surface agricole utile française : l’acétamipride restera complètement interdite sur plus de 99 % du territoire agricole en France.
– L’acétamipride est considérée comme un traitement de référence contre une large gamme d’insectes ravageurs et est approuvée par l’EFSA, l’Agence européenne de sécurité des aliments, seule à même de pouvoir délivrer les autorisations de substance au niveau européen. L’acétamipride bénéficie d’une autorisation jusqu’en 2033.
– En France, c’est le législateur qui a décidé en 2016 de son interdiction, et non une décision scientifique de l’ANSES qui continue d’indiquer qu’il n’y a pas « d’effet nocif pour la santé humaine ». Au regard du critère de son impact sur les abeilles, l’acétamipride est moins toxique que d’autres insecticides encore approuvés en Europe et utilisés en France (la cyperméthrine par exemple).

Art. 3 : Simplifier les dispositions de consultation du public et de seuils pour les élevages
– La réforme, via la loi industrie verte, de la procédure de consultation du public dans le cadre de l’autorisation environnementale pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) est maintenue mais aménagée : la consultation du public est aménagée afin de tenir compte des spécificités de l’élevage uniquement.
– Le relèvement des seuils de la procédure d’enregistrement pour les installations d’élevage est lié à la révision en avril 2024 de la directive sur les émissions industrielles (directive IED), qui entrera en vigueur d’ici le 1er septembre 2026.

Art. 5 : faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource
– Il n’y a pas d’agriculture sans eau. Le changement climatique va durement impacter l’accès à la ressource et l’augmentation des températures va mécaniquement faire augmenter les besoins pour les cultures comme les animaux d’élevage. Il faut donc anticiper pour maintenir notre capacité à produire.
– Pour cela, il convient de mobiliser l’ensemble des outils à dispositions : amélioration génétique pour des plantes moins consommatrices, efficience des réseaux, REUT, évolution des pratiques culturales et stockage.
– L’article 5 issu de la CMP reconnaît l’intérêt général majeur des projets de stockage d’eau dans les zones en déficit hydriques : il s’agit de faciliter le portage de projets de retenues de stockage d’eau dont l’objectif est de concilier la préservation du potentiel agricole avec la préservation de la ressource en eau et son juste partage.
– Pour cela, dans les zones en déficit hydrique, il est présumé le caractère d’« intérêt général majeur » des projets au sens de la directive cadre sur l’eau et de « raison impérative d’intérêt majeur » au sens de la directive habitats.
– Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, une qualification d’intérêt général majeur ne peut être trop générale : dans le respect du droit européen, le texte cible cette présomption sur les ouvrages qui visent spécifiquement à répondre à un enjeu de stress hydrique pour l’agriculture et donner des garanties sur le fait que ces ouvrages ont été décidées localement dans un cadre concerté qui est le principe même de la gestion de l’eau en France ainsi que sur un usage efficient de l’eau.

Les autres articles issus de la CMP ne présentent pas de difficultés particulières.

Un choix de responsabilité pour une agriculture forte et durable

Ce texte, fruit de l’expertise parlementaire, ne renonce pas aux enjeux écologiques. Il affirme la nécessité d’accompagner celles et ceux qui sont au cœur de la transition agroécologique, avec des solutions concrètes, maîtrisées et contrôlées scientifiquement.

Malgré les questionnements réfléchis et les hésitations sincères, c’est la volonté de soutenir nos agriculteurs et celle de protéger notre santé qui a guidé mon vote. J’ai donc voté pour une agriculture française durable et respectée, pour un équilibre entre production, santé publique et souveraineté.

Explication de vote

Lorsque la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur est arrivée à l’Assemblée nationale, proposée dans la version adoptée par le Sénat, elle n’avait plus rien à voir avec sa version initiale, décousue et modifiée à multiples reprises par les divers groupes politiques.

Dans un contexte législatif complexe, les architectes du désordre politique ont  catégorisé les parlementaires selon leur vote en distinguant les « gentils » des « méchants ».

Pour ma part, ma conviction s’est forgée à l’aune des débats, des études scientifiques, des limitations que nous avons apportées au texte et, loin de cette vision manichéenne simpliste, en étant guidée par deux convictions profondes :

La première : il est temps de soutenir pleinement nos agriculteurs. De les considérer non pas comme les coupables, mais comme les acteurs centraux de la transition. Cela suppose de leur donner des moyens, de la visibilité, de la confiance.

La seconde : notre santé et celle de notre environnement ne sont pas négociables. Elles doivent être protégées avec rigueur, honnêteté et ambition, sans instrumentalisation ni déni.
Durable, parce qu’elle intègre les défis climatiques, sanitaires et environnementaux.
Respectée, parce qu’elle reconnaît la dignité et l’engagement de celles et ceux qui nourrissent notre pays.

Mon vote est un choix d’équilibre, au service d’une triple exigence : la production, la santé publique et la souveraineté alimentaire.

Repris en Commission Mixte Paritaire, nous avons élaboré une version qui puisse être votée en écartant les dangers que le texte issu du Sénat représentait.

J’ai voté la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur qui n’est plus le texte initial du sénateur Duplomb. Mon vote s’est tourné vers vers un texte largement modifié et cohérent : celui de la Commission Mixte Paritaire.

J’ai donc voté en conscience, pour une agriculture française à la fois durable et respectée.