Vaccination : prendre le temps des débats

Intervention de Blandine Brocard, députée LREM de la Ve circonscription du Rhône, lors de la conférence de presse tenue le 2 octobre 2017 à l’Assemblée nationale.

Si nous avons souhaité nous exprimer à plusieurs parlementaires issus de différents partis à l’occasion de cette conférence de presse, c’est justement dans le cadre d’une démarche transpartisane qui dépasse les désaccords que nous pouvons parfois avoir sur tel ou tel dossier.

Ainsi que vous le savez, Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé défend aujourd’hui un projet qui vise à rendre obligatoire dès le début de l’année prochaine non plus 3 mais 11 vaccins administrés à des nourrissons entre 0 et 18 mois.

Ce sujet, qui est évidemment d’une grande sensibilité pour les habitants de notre pays, pose par ailleurs de très nombreuses questions :

  • sur le plan scientifique bien sûr, avec la question évoquée par tel ou tel scientifique des effets secondaires de tel ou tel vaccin, ou encore à propos de la présence de l’aluminium comme adjuvant très discuté ces derniers mois,

  • mais aussi sur le plan médico-légal ou encore éthique, avec des questions autour du libre consentement de chacun versus l’intérêt général avancé par d’autres.

Il ne s’agit pas pour nous, ici, de défendre le bien-fondé ou au contraire l’inutilité d’un élargissement de la vaccination obligatoire.

Non.

Généralisation ou pas, ce n’est pas notre question du jour : et ce tout simplement parce que nous ne nous sentons pas capables de juger du bien-fondé ou de l’inutilité ou de la dangerosité d’une telle mesure.

Et c’est bien là tout le problème.

Si nous sommes devant vous en ce début d’après-midi, c’est parce que nous partageons le sentiment que pour bien voter sur un sujet aussi sensible et fondamental, nous avons besoin d’entendre toutes les parties.

Or le calendrier annoncé des travaux à venir sur ce sujet rend de fait difficile – et même impossible – un débat qui soit à la hauteur des enjeux : c’est-à-dire un débat qui permette aux représentants de notre assemblée de nous forger une intime conviction pour un vote éclairé sur une question sensible.

En dehors de toute urgence sanitaire démontrée, l’obligation vaccinale est un sujet qui mérite un débat dédié. Or ce débat a été intégré par le Gouvernement dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale qui doit être voté d’ici quelques semaines.

Dans un sens on peut le comprendre : le projet de loi de financement de la sécurité sociale est aussi là pour prévoir les crédits qui devront être affectés pour les dépenses d’assurance maladie.

Mais dans le fond rien n’oblige à ce que nous agissions dans la précipitation pour décider dans un calendrier contraint par l’élargissement de l’obligation vaccinale au 1er janvier 2018.

Dans ce cadre, je souhaite d’ailleurs partager avec vous mon étonnement : il existe une revue spécialisée qui s’adresse aux médecins dont le titre est «  Responsabilité ». Cette revue largement diffusée au corps médical est éditée par le groupe MACSF qui est le principal assureur des professionnels de santé (950 000 sociétaires tout de même).

Dans la revue « Responsabilité » datée du mois de Septembre 2017 et qui s’adresse donc aux professionnels de santé, le professeur Alain Fischer s’adresse à ses confrères sur cette question de la généralisation des vaccins ; pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Alain Fischer est médecin, il a organisé une concertation sur la vaccination à la demande du précédent gouvernement, il est extrêmement favorable à cette généralisation de la vaccination et est systématiquement sollicité par les médias dès que cette question est abordée.

Le Professeur Alain Fischer s’exprime donc en ces termes (ce sont évidemment des morceaux choisis mais ils ne dénaturent pas le sens du propos complet que je vous invite à lire) :

« Il est proposé qu’un plan d’actions concernant la vaccination soit mis en place par les autorités de santé, un plan qui s’inscrive dans la durée et qui s’appuie sur l’ensemble des professionnels de santé, ayant pour double objectif de rétablir la confiance en la vaccination (à moyen terme) et d’améliorer la couverture vaccinale (à court terme). »

On va alors plus loin pour bien comprendre :

« En France, comme en Italie, l’hésitation voire la défiance ne permettent pas d’envi­sager de fonder à court terme la politique de vaccination sur l’adhésion des citoyens à cette action de santé publique, comme le montrent plusieurs enquêtes d’opi­nion. »

Et enfin :

« C’est pourquoi nous avons recommandé une phase d’obligation temporaire des 11 vaccins recommandés chez les jeunes enfants et de leurs rappels pen­dant l’enfance. L’objectif est qu’à terme, ce statut obligatoire puisse être levé après rétablissement d’un meilleur niveau de confiance. »

En clair, on sent bien que les français ne seront pas vraiment d’accord si on leur demande d’adhérer à cette politique d’élargissement de la vaccination, donc la recommandation : rendons la vaccination obligatoire, quand ils auront confiance, on la remettra optionnelle.

Convaincre c’est fatiguant : mieux vaut ne pas essayer !

Je le répète :

NON : il ne s’agit pas pour nous, ici, de défendre le bien-fondé ou au contraire l’inutilité d’un élargissement de la vaccination obligatoire.

Nous avons besoin pour nous forger une intime conviction sur ce sujet,
nous avons besoin pour exprimer un vote éclairé sur ces questions fondamentales,
nous avons besoin de débat et de temps.

Nous avons besoin que toutes les parties puissent s’exprimer et produire leurs études, j’ai bien dit toutes les parties, qu’elles soient favorables ou défavorables à l’élargissement de la vaccination obligatoire.

Nous avons besoin de les entendre.
Pas dans la précipitation.
Pas dans l’argumentation facile.
Pas sur le coup d’un fait d’actualité ou d’une émotion.

Si selon le professeur Fischer, la consultation des français sur cette question doit être évitée, et bien la consultation, le débat contradictoire, la réflexion et les échanges sur cette question entre les experts et les élus, représentants du peuple, ne peut pas, ne doit pas être contournée.

Le processus démocratique doit fonctionner : il n’est pas raisonnable d’envisager qu’on puisse voter un projet de loi aussi fondamental dans un temps aussi court sous prétexte qu’il a été intégré au projet de loi sur le financement de la sécurité sociale.

La première étape est donc à notre sens d’extraire la question de l’obligation vaccinale du projet de loi PLFSS.

La seconde étape devra être de définir quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes pour que ce débat ait lieu, que chacun puisse y prendre sa place, que toutes les voix puissent s’y exprimer afin que nous, les députés, puissions ENSUITE, exprimer un vote qui aura un sens.

C’est pour cela que nous avons décidé de vous réunir et d’attirer votre attention. Merci.

Blandine BROCARD

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